Temps de retour carbone (TRC) d’une installation de panneaux solaires photovoltaïques

Dans quel contexte la pose de panneaux est-elle pertinente d’un point de vue carbone ?

Adoptés par de plus en plus de logements individuels comme collectifs, les panneaux solaires photovoltaïques se présentent comme une solution accessible pour répondre à la nécessité de décarboner les productions d’électricité.

On peut noter trois facteurs majeurs de l’accroissement de leur utilisation – en dehors de la prise de conscience écologique des sociétés et des individus :

  1. Le contexte réglementaire qui se renforce et pose des jalons clairs à atteindre. La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) fixe des objectifs de -49% des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) à horizon 2030 par rapport à 2015, et de neutralité carbone horizon 2050 pour le secteur du bâtiment, ce qui passe notamment par l’énergie utilisée dans nos bâtiments.
  2. La qualité énergétique des panneaux photovoltaïques : les installations permettent de produire de l’électricité sans émettre de CO2 sur leur phase d’utilisation. Le taux de retour énergétique des panneaux est de plus très bon. En Europe, on estime qu’il faut en moyenne 1 à 1,5 années pour qu’une installation produise autant d’électricité qu’il en a fallu pour la fabriquer.
  3. Les incitations et aides financières, variables en fonction de la taille des installations et du pays. Elles sont un accélérateur de la transition certain, mais mènent cependant à des dérives, comme le surdimensionnement des systèmes pour accroître l’enveloppe reçue.

Ces trois axes ont longtemps été les critères de décision principaux, alors que le sujet de l’empreinte carbone initiale du panneau est au coeur de l’analyse d’un projet. C’est le prisme que nous allons prendre dans cet article. Dès lors, dans le cadre d’une multiplication des approches, des outils et des indicateurs carbone sur l’ensemble de la chaîne de production, comment déterminer la pertinence d’une installation photovoltaïque bâtimentaire ?

Après un court rappel sur le fonctionnement des panneaux photovoltaïques, nous analyserons l’impact carbone d’un panneau sur l’ensemble de ses phases de vie, avant de comparer le Temps de Retour Carbone (TRC) de plusieurs installations avec des variables de production différentes.

Rappels sur les panneaux photovoltaïques

Le panneau solaire photovoltaïque convertit l’énergie solaire en un courant électrique continu. C’est un vecteur d’énergie permettant l’autoconsommation et pouvant couvrir à cet égard jusqu’à 70% des besoins en électricité d’un logement individuel.

Il existe plusieurs types de panneaux solaires avec une efficacité et un coût variables. Les deux technologies les plus répandues sont le monocristallin et le polycristallin (avec plus ou moins de cristaux de silicium). Le premier est plus cher mais plus efficace.

Quelle est l’empreinte carbone d’un panneau photovoltaïque?

Le coût carbone du panneau correspond aux émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) générées tout au long du cycle de vie du panneau, c’est-à-dire lors de :

  • Sa production, soit l’extraction et transformation des matières premières
  • Son édification, soit le transport jusqu’au lieu d’usage et sa mise en œuvre
  • Son exploitation, soit son utilisation et son entretien
  • Sa fin de vie, soit son démantèlement

On observe la répartition suivante sur ces différentes phases :

Analyse du Cycle de Vie (ACV) statique d’une Donnée Environnementale par Défaut (DED) de panneau photovoltaïque monocristallin (id inies : 27354) sur 25 ans

Zoom sur la phase de production : extraction des matériaux et manufacture

La phase de production est de loin la plus émettrice de GES. En cause notamment, la composition du panneau : si la part de verre dans le panneau est la plus grande, le silicium est le plus grand facteur d’accroissement du poids carbone. Cela s’explique par :

  • Les procédés d’extraction et de transformation d’une part très énergivore
  • Le fait que les étapes citées sont principalement localisées en Chine avec un mix énergétique particulièrement carboné

A cela s’ajoute la manufacture des panneaux finaux, également souvent située en Chine, et sujet donc à un mix énergétique alourdissant l’empreinte carbone des panneaux.

En définitive, l’impact carbone de la production dépend grandement de la localisation (via le mix énergétique) de sa chaine de production : « pour un mix électrique chinois, l’empreinte carbone du photovoltaïque est en moyenne de 43,9 gCO2eq/kWh, pour un mix électrique européen de 32,3 gCO2eq/kWh et de 25,2 gCO2eq/kWh pour un mix électrique français. » (Ademe, 2021)

Cela veut dire que relocaliser une phase de la chaîne de production, comme l’assemblage des panneaux en France permet efficacement de réduire leur impact carbone !

Source : https://www.edfenr.com/guide-solaire/bilan-carbone-panneau-photovoltaique/#:~:text=La%20production%20d%27%C3%A9lectricit%C3%A9%20photovolta%C3%AFque,%27%C3%A9nergie%20solaire%20en%20%C3%A9lectricit%C3%A9%20%C2%BB

Fin de vie du panneau

En moyenne, 94% des composants d’un panneau photovoltaïque peuvent être recyclés. En reprenant la composition d’un panneau solaire :

  • Le verre est réutilisé au sein même de la chaine de production et, avec l’aluminium également, transformé pour faire des emballages
  • Le cuivre sert à la manufacture de circuits électroniques
  • Le silicium se recycle jusque 4 fois pour fabriquer de nouvelles cellules photovoltaïques
  • Le plastique en revanche demeure l’élément qui se recycle le moins bien

Depuis 2012, les réglementations des déchets éléctriques (D3E) obligent les fabricants à réaliser des collectes pour réaliser ces étapes de recyclage. N’étant pas prises en compte dans l’ACV présentée ci-dessus car il s’agit de résultats par défaut, il sera néanmoins possible pour un fabricant de mettre en avant ces éléments à travers un module D (bénéfices et charges au delà du système).

Etude de cas : comparaison du TRC d’installations photovoltaïques

Dans l’ensemble des projets étudiés, on considère une maison individuelle de 100 m2 avec une installation de panneaux de 20 m2 de toiture et une inclinaison comprise entre 30 et 45°.

De plus, l’ensemble des calculs d’ACV sont effectués selon la méthode dynamique développée dans la Réglementation Environnementale 2020 (RE2020). Cette dernière prend en compte le moment d’émission des GES.

Focus sur un projet photovoltaïque de 25 ans à Marseille avec un panneau standard

Pour ce premier cas, nous prenons un panneau qui a les caractéristiques d’une fiche Données Environnementales par Défaut (DED) publiée par la base INIES. Ce sont des fiches génériques d’équipements ou de matériaux fournissant des impacts carbone dans la tranche haute par type de produit.

Données de la base Inies utilisées dans les calculs :

  • DED de panneau photovoltaïque monocristallin (Id inies : 27354)
  • DED d’onduleur autonome de puissance 3kW (Id inies : 31961)

On considère également que le panneau permettra de remplacer l’électricité du réseau national (0,069 kg CO2 éq/kWh, d’après INIES). On compare donc notre installation dans le temps avec l’évolution carbone d’une consommation électrique par le réseau pour nos besoins :

Comparaison de l’impact carbone de la consommation par panneaux solaires avec la consommation par le réseau (sur 25 ans)

NB : le léger saut de la courbe de l’installation photovoltaïque correspond au remplacement de l’onduleur au bout de 15 ans.

  • A T=0, on observe l’impact initial élevé du coût carbone de l’installation photovoltaïque. C’est la phase de production du panneau, tandis que la courbe noire est à 0.
  • A T = 11 ans, l’impact carbone de la consommation d’électricité du réseau a rattrapé le coût carbone initial de notre installation : il s’agit du TRC de nos panneaux.
  • A T = 25 ans, le réseau émet 2,2 fois plus de GES que notre installation

De plus avec un bon entretien ou en choisissant un panneau avec une durabilité plus élevée, l’installation peut être viable jusqu’à 40 ans. Sur cette durée et avec les mêmes hypothèses de performances du panneau, l’impact carbone de l’électricité du réseau sera 3 fois supérieure à celle de l’installation, même en prenant en compte le changement d’onduleur et la perte d’efficacité du panneau.

Autres cas d’étude – panneau plus efficace et ensoleillement différent ?

Dans cette étude, on a considéré un impact en utilisant une ACV d’une DED. Si le panneau est assemblé en France, on peut s’affranchir d’une partie de notre production très carbonée et lorsqu’un assembleur s’intéresse à l’impact environnemental de ses produits, il peut justifier d’un impact moins élevé en publiant une fiche Profil Environnemental Produit (PEP).

Etudions les TRC lorsque l’on fait varier le type de panneau (DED ou PEP) et la localisation (Marseille ou Lille) :

Comparaison du TRC de deux installations DED et PEP en fonction de leur localisation géographique

Note : La production énergétique de l’installation photovoltaïque varie en fonction des cas étudiés. Nous comparons des systèmes équivalents, donc la consommation par le réseau augmente au même niveau que la production énergétique de l’installation, d’où l’impact carbone annuel variable du réseau.

On observe que le panneau PEP a un meilleur temps de retour carbone que le panneau DED quel que soit sa localisation.

Données de la base Inies utilisées dans les calculs :

  • PEP de panneau solaire photovoltaïque : 27231
  • DED d’onduleur autonome de puissance 3kW (Id inies : 31961)

En faisant varier la puissance

Pour aller plus loin et dans une optique de comparaison des paramètres un à un, nous allons faire varier la puissance sur chaque type de panneaux. On obtient les résultats suivants :

Synthèse comparative du TRC des différents projets photovoltaïques

Conclusion

Les 3 points clés à retenir des différents cas étudiés sont les suivants :

  • Le poids de la localisation géographique

A puissances égales, le TRC d’un panneau « moyen » (DED) est plus court dans une localisation à fort ensolleillement.

  • Le poids carbone initial (production) importe plus que la puissance du panneau

A ensoleillements égaux, il vaut mieux privilégier un panneau bas carbone plutôt qu’un panneau efficient. Par exemple, on regarde à Marseille la variation du TRC en fonction de la variation de puissance et de poids carbone initial du panneau :

On a un coefficient de corrélation de 1 entre poids carbone et TRC contre 0,85 pour la puissance : l’impact carbone initial du panneau influe plus sur le TRC que la puissance.

  • Combiner faible empreinte carbone à la fabrication et efficacité énergétique réduisent grandement le TRC

A Lille et à Marseille, le passage d’un panneau DED de 3 kWc à un PEP de 3,6 kWc entraîne une réduction de respectivement 35 et 36% du TRC.

Il s’agit enfin de remettre en perspective les différentes solutions renouvelables disponibles, et de favoriser des choix raisonnés et adaptés à l’environnement plutôt que des choix énergétiques par défaut.

Glossaire

Taux de retour énergétique : ratio entre l’énergie délivrée par un système sur son cycle de vie, et l’énergie qu’il a fallu pour le construire et le mettre en place.

Energie grise : L’énergie grise d’un équipement est la quantité d’énergie utilisée pour sa fabrication, sa mise en place, sa maintenance et sa fin de vie.

Analyse du cycle de vie : méthode de calcul d’impact carbone fondée sur la prise en compte des flux physiques d’un système pendant toutes ses phases de vie (production, édification, exploitation, fin de vie) et l’association avec les impacts environnementaux de ses flux.

Donnée environnementale par défaut : donnée générique sur le bâtiment mise en place par le ministère en charge de la construction en l’absence de donnée spécifique.

Profil Environnemental Produit : fiche contenant des données spécifiques sur un équipement électrique, électronique ou de génie climatique, qui est certifiée par plusieurs organismes selon des règles spécifiques (sur le calcul ACV notamment).