Comment l’IA permet d’accélérer la mesure de l’impact carbone du bâtiment ?

Mieux gérer la dépense carbone devra passer par une mesure quasi-systématique de l’impact des projets.

Le marché de la construction est de plus en plus régulé pour être en ligne avec le plan d’action national Zéro Carbone (SNBC). Sur le neuf, la RE2020 en vigueur depuis janvier 2022 se décline en plusieurs phases. Jusqu’à 2025, nous sommes en phase 1 de ce plan avec une première étape qui vise à imposer la mesure dans le neuf sans trop contraindre les modes constructifs.
Par la suite, les objectifs seront de plus en plus ambitieux sur le budget carbone des projets et l’innovation environnementale sera incontournable (ou la sobriété, faute de). La réglementation se veut également pédagogique pour que le marché applique ces bonnes pratiques à d’autres types de projets, notamment en rénovation où les opérations sont nettement plus nombreuses.

Le secteur du bâtiment est le deuxième plus grand émetteur de gaz à effet de serre en France. Pour agir, il faut d’abord mesurer, et la meilleure façon de calculer l’impact environnemental est de suivre une analyse du cycle de vie de tous les composants du bâtiment. L’exercice consiste à tracer chaque étape matérielle et logistique de la phase de construction à la fin de vie (matériaux de construction, équipements), en passant par la phase d’exploitation (chauffage, eau chaude sanitaire, climatisation, éclairage, etc).

Cependant, pour les entreprises de la construction, l’analyse et l’optimisation carbone d’un devis est aujourd’hui l’une des étapes les plus laborieuses dans la création d’une offre. Jusqu’à peu quasi-systématiquement externalisée pour des raisons de temps à y consacrer, d’expertise pré-requise et de budget alloué insuffisant ; cette analyse est maintenant au cœur des préoccupations pour justifier d’une maîtrise des projets.  
Les entreprises voient bien venir que d’ici peu, proposer des variantes ou des TS sans expliquer l’impact environnemental ne sera plus possible, et qu’il sera indispensable d’avoir la mainmise sur ces notions. Permettre de calculer l’empreinte carbone de vos projets, et d’optimiser les choix de matériaux et équipements rapidement et en autonomie, c’est la mission que nous nous sommes fixée chez Nooco depuis le premier jour.

Sans outil numérique adapté, ce processus devient une charge lourde pour les équipes de nos clients et peut aller jusqu’à plusieurs jours de travail. Des outils Excel ont été pensés pour aller plus vite et avoir des estimations macros, mais en dégradant la fiabilité via des hypothèses non-opposables. Cette approche pose problème car cela signifie qu’entre 2 entreprises concurrentes présentant des résultats différents, l’écart ne peut pas être pris en compte sans une analyse détaillée de ce qui le justifie entre le réel et la méthode. On y perd donc le temps précédemment gagné.

Pour cela, nous avons dû relever un défi de taille, car permettre une mesure systématique signifie pouvoir s’adapter à tous les types de projets – donc par extension ne pas devoir exiger une maquette BIM ou avoir un format de travail imposé en amont.
Sans s’interdire l’option interface qui reste la plus performante lorsque c’est possible, pour traiter la grande majorité des cas il nous a fallu trouver une solution pour reconnaître et traiter des formats de fichiers différents avec un vocabulaire propre à chaque entreprise et la plus rapide possible. Sans trop de suspens, la solution que nous avons retenue a été de développer nos propres modèles d’intelligence artificielle, spécialisés dans la construction.

Bien s’entourer pour s’assurer de partir dans la bonne direction

Après avoir livré une première version en octobre 2021, nous décidons d’approfondir la technologie disponible sur le marché suite à notre sélection dans le  programme IA de Leonard, la plate-forme de prospective et d’innovation de VINCI.
6 mois de projets entourés d’experts pour s’améliorer et se confronter à l’état de l’art.

En préambule on revient sur les principes du calcul.
Faire un calcul environnemental dans la vraie vie, c’est partir d’un DPGF, d’une maquette BIM, de métrés, … et, à peu de choses près, pour chaque matériau et équipement, on fait la somme-produit de l’information carbone par la quantité. Pour optimiser l’impact d’un projet, on part donc d’une phase de compréhension des devis puis par une optimisation des choix de matériaux et équipements en utilisant les bases de données certifiées (nb en France INIES).

En comptabilité carbone comme en comptabilité classique il y a un principe de précaution. On va donc définir le principe de bornes :

  • Borne haute : « si je ne sais pas, je vais considérer que mon produit est fait depuis des matériaux neufs et est manufacturé dans un pays avec un mix électrique plutôt élevé »
  • Borne basse : « un ou plusieurs fabricants ont fait vérifier que leur produit est bien réalisé depuis x% de matériaux recyclés et est manufacturé dans un pays avec un super mix électrique (au hasard, en France 😊) »
  • Borne ultra-basse : « mon produit est issu d’une filière réemploi »

Une IA au service des utilisateurs : permettre le gain de temps sans dégrader la fiabilité.

Pour les plus néophytes, l’IA regroupe l’ensemble des méthodes statistiques permettant de reproduire au moins en partie le résultat d’un comportement humain (ex. analyser des images, du texte…).
‍Les méthodes modernes d’analyse de texte, dit Natural Language Processing, permettent d’automatiser la synthèse de documents complexes que ce soit sous la forme d’extraction d’information ou de classification d’outillage technique à partir de leur description.

HuggingFace, l’état de l’art opensource du traitement du langage, permet bien de comprendre le français, il identifiera donc qu’un ballon sphérique est quelque chose de rond. En revanche il ne connait pas le vocabulaire du bâtiment et est incapable de savoir qu’un voile ou un mur se ressemblent, que la gaine c’est du réseau aéraulique ni même ce qu’est une plinthe.
Parmi nos quelques 8 500 heures de R&D (déclarées et vérifiées), nous avons donc consacré près d’un tiers à l’apprentissage du vocabulaire du bâtiment par IA et développé notre propre surcouche d’apprentissage, spécifique au bâtiment et à l’industrie.

Grâce au développement d’une IA de pointe, la phase d’analyse du devis des clients sur Nooco prend maintenant un peu moins d’une heure pour 500 lignes (rappel : plusieurs jours sur les outils traditionnels du marché). Les performances de notre algorithme ont ainsi évolué de 8% de reconnaissance à son lancement en septembre 2021, à 58% aujourd’hui.

Cet apprentissage est évolutif puisque nous avons également mis en place un processus de collecte des erreurs de l’IA. Lorsqu’un utilisateur ne valide pas une proposition de l’IA, 2 possibilités : soit cet évènement se retrouve à plusieurs reprises et l’algorithme apprend seul de son erreur, soit notre client nous contacte et nous apprenons de manière supervisée à l’algorithme qu’il interprète mal un terme nouveau.
Autrement dit, plus Nooco est utilisé et plus le calcul environnemental y sera rapide, voire demain automatique et sans interface !

Ces résultats de renforcement de la puissance logicielle par IA nous ont convaincu de renforcer nos équipes Data Science et nous travaillons de manière sur 2 autres algorithmes indispensables pour soutenir l’aide à la décision dans le bâtiment, c’est à dire que l’indicateur CO2 soit disponible simplement, à côté des autres, dans les outils décisionnels.

  • La lecture de fiches techniques et environnementale : la donnée est actuellement non-structurée sur ces fiches et rassembler toutes les informations sur un produit est extrêmement chronophage. Notre IA entrainée sur le vocabulaire du bâtiment nous permet maintenant d’extraire rapidement les informations depuis les fiches techniques produits en vue de promouvoir et de rendre simple l’accès à cette information.
    Une fois que l’algorithme sait quoi chercher, ici les caractéristiques techniques d’un produit donné, il est très efficace pour retrouver cette information dans le document au travers de la méthode Question-Answering.
    Par exemple pour un isolant on va rapidement rapprocher l’information environnementale de sa résistance thermique, de ses capacité ignifuge et de son type de matériau. Pour un sol sa classification UPEC, pour une pompe à chaleur son type de fluide, etc …
  • Le potentiel d’optimisation d’un projet : quel est l’écart entre la borne haute et la borne basse d’un projet ? Quel effort de chiffrage est nécessaire pour tendre vers cette borne basse ? L’IA au service de la prescription n’est plus un mythe, mais restera bien un outil d’aide à la décision car les métiers du bâtiment nécessitent la compréhension de bien plus de complexité que le simple rapprochement carbone-prix.

Les entreprises de la construction sont conscientes d’être à la fois acteurs du problème environnemental et de la solution. En cette période de nouveau gouvernement, nous ne pouvons pas nier qu’elles s’engagent fortement pour changer leurs métiers et se donnent les moyens de se transformer.

Vinci, Bouygues, Eiffage, Leon Grosse, Spie, …, utilisent déjà Nooco pour valoriser l’ingénierie mise en œuvre dans leurs études afin que maîtrises d’œuvre et maîtrise d’ouvrage aient des options décarbonées sur leurs opérations. Chez les constructeurs, les équipes se forment aux méthodes d’analyses pour traiter la part matériaux et la consommation d’énergie qui porte d’autres enjeux que le seul impact carbone.  

Le marché ne sera vecteur de la transition environnementale que lorsque nous serons capable de permettre aux entreprises de simplement se faire compétition sur le résultat CO2 et que les décideurs auront pleine transparence sur l’indicateur.
En permettant l’accélération de la mesure, l’IA contribue indirectement à un volume considérable d’émissions évitées.

Envie d’en savoir plus sur les aspects techniques ou tout simplement de tester la solution ? Contactez-nous !