Temps de retour carbone (TRC) d’un projet de relamping

L’éclairage pèse lourd dans la consommation énergétique française en raison de son omniprésence dans nos vies quotidiennes. Que ce soit dans nos foyers, nos rues, nos bureaux ou nos industries, le mix électrique français est dédié pour une part substantielle à l’éclairage : en 2021 c’est 10% de l’électricité nationale consommée selon l’ADEME.  Il y a donc un enjeu fort à optimiser l’énergie dépensée par nos luminaires car l’électricité non dépensée, c’est du carbone émis en moins. 

Au cours des dernières décennies, l’éclairage a subi des transformations considérables, avec le passage des sources lumineuses traditionnelles, telles que les ampoules à incandescence puis halogènes, aux technologies plus efficaces, notamment les lampes fluorescentes et les éclairages à LED. Ces évolutions s’inscrivent dans une tendance de favoriser des solutions d’éclairage moins énergivores. 

On observe une multiplication des technologies d’éclairages, avec une croissance de l’efficacité énergétique de ces derniers. Et si cet aspect énergétique est très bien documenté, des zones grises sur l’impact de la fabrication des luminaires demeurent. La donnée carbone manque en effet encore d’exhaustivité, même si elle continue de s’améliorer dans une optique plus globale d’analyse du cycle de vie. Ce sera notre angle d’étude dans cet article, en analysant en particulier l’opération de relamping

1. Le relamping et ses avantages pour réduire l’impact carbone des bâtiments 

Le relamping, ou la rénovation de l’éclairage, est une pratique visant à remplacer les anciennes sources d’éclairage par des technologies plus efficaces et économes en énergie, comme les ampoules à LED, les lampes fluorescentes compactes (CFL) ou les lampes à haute efficacité énergétique. Des réglementations sont apparues et en 2018 les lampes halogènes ont été interdites ce qui a contribué à mettre en avant le processus de relamping. 

C’est un levier majeur pour réduire l’empreinte carbone des éclairages, pour plusieurs raisons :

  • Durée de vie plus longue des LED : cela signifie que les besoins de remplacement sont moindres, et donc que les émissions liées à la fabrication, au transport et à l’élimination des déchets de nouveaux luminaires le sont également.
  • Possibilité de contrôle et gestion intelligente : les systèmes d’éclairages modernes peuvent être associés à des dispositifs de gestion qui permettent d’optimiser l’utilisation et de réduire l’éclairage inutile. 
  • Réduction de la consommation d’énergie : les nouvelles technologies telles que les LED, sont plus économes en énergie que les ampoules classiques. En consommant moins d’électricité, les LED réduisent les émissions de GES associées. 
Exemple : pour une Intensité lumineuse ≈ 600 lumens
Type d’ampoulePuissance en Watt
Halogène60
Fluocompact16
LED8
Source : https://www.leds-boutique.fr/blo

A titre d’illustration, en remplaçant l’intégralité des lampes conventionnelles de ses stations de métro par des LED, la RATP a divisé par deux la consommation électrique des gares et stations, soit une économie de 77 GWh par an.

NB : le relamping est une solution pour réduire sa consommation d’électricité et son empreinte carbone. Mais il est important de rappeler qu’elle ne doit pas entrer en contradiction avec une démarche de fond de réduction de l’utilisation des éclairages. Les éclairages sont sources de pollution lumineuse qui entraîne d’autres problématiques, sur la santé et sur la biodiversité en général. 

On a évoqué la dimension énergétique d’un éclairage. Regardons désormais son empreinte carbone sur les différentes phases du cycle de vie…

2. Décomposition d’un luminaire et empreinte carbone sur les phases du cycle de vie

Le luminaire est composé de la technologie d’éclairage (halogène, fluocompact, LED) et des matériaux composant la support. Compte tenu de la donnée actuelle, il est difficile d’isoler les deux objets : la comptabilisation carbone est récente et n’existe pas forcément à la maille voulue, d’autant plus que le poids carbone des technologies d’ampoules est variable. 

On connaît l’efficacité énergétique des LED qui se traduit en réduction de l’impact carbone sur la phase d’utilisation par rapport aux halogènes. Il reste toutefois des zone d’ombres sur la phase de fabrication d’un luminaire et son carbone embarqué. Sans prétendre apporter une analyse universelle de la composition du poids carbone d’un luminaire, nous allons étudier la composition d’un luminaire issu d’une Donnée Environnementale par Défaut (DED). Ce dernier est un luminaire encastré linéaire que l’on installe dans des bureaux, locaux commerciaux etc. 

DED sur un luminaire (LED) encastré linéaire

Durée de vie de référence : 25 ans

Masse totale de 11,68 kg :

  • Aluminum : 6,8 kg
  • Acier : 0,9 kg
  • Cuivre : 0,55 kg
  • Polypropène : 0,4 kg
  • Verre : 2,79 kg
  • Composants électroniques :  0,24 kg

Potentiel de réchauffement climatique : 119 kg éq CO2

Source : https://www.base-inies.fr/iniesV4/dist/consultation.html?id=32103

Dans cet exemple, l’aluminium est le composant principal de la structure du luminaire et la source la plus importante d’impact carbone :

  • Le facteur d’émission de l’aluminium est de 9,503 kg éq CO2/kg (source : Ecoinvent).
  • L’impact carbone de l’aluminium s’élève ainsi à 64,6 kg CO2 éq soit  54% de l’empreinte carbone du luminaire étudié. 
  • L’ampoule en temps que telle compte pour une part relativement faible de l’empreinte carbone. Ce sont les matériaux utilisés pour former le luminaire qui pèsent le plus lourd.

Le volume d’ACV vérifiées disponible ne rend pas compte de la diversité des produits du marché

La donnée disponible est encore limitée. Ci-dessous quelques points limitants à titre d’exemple : 

  • La quantité et la précision des données disponibles : sur INIES il y a encore peu de fiches Profil Environnemental Produit (PEP), c’est à dire publiées par un fabricant et certifiées par un organisme externe. Les données disponibles sont génériques et ne sont pas exhaustives sur le niveau de détails d’impact carbone.
  • La comparabilité des données : sur Ecoinvent, l’empreinte carbone d’une ampoule fluocompact est donnée à l’unité (3,94 kg CO2 éq par unité) alors que celle d’une LED au kilogramme (260 kg CO2 éq). La comparaison entre technologies est délicate, même si elle reste possible en acceptant des approximations mais que nous n’avons pas souhaité proposer. 

Un processus d’amélioration des bases de données est en cours

On observe une accélération de la transparence du calcul carbone au travers de publication de fiches vérifiées. La base INIES a vu son nombre de fiche disponible augmenter fortement entre fin 2021 et fin 2022. Le nombre de fiches PEP est moins élevé, avec en cause notamment des démarches complexes. Toutefois le processus de production des fiches s’accélère avec au 31 décembre 2022 :

  • 3536 FDES (+ 43% par rapport au 31 décembre 2021)
  • 811 PEP (+ 54% par rapport au 31 décembre 2021)

L’énergie reste actuellement le levier privilégié pour réduire l’empreinte carbone de l’éclairage

Aujourd’hui le levier principalement mis en avant pour réduire l’empreinte carbone des éclairages demeure l’énergie. Cela a un sens car l’impact carbone de luminaires se joue en majeure partie sur la phase d’exploitation : nous avons pu observer dans les cas que nous avons étudiés que plus de 90% de l’impact carbone du luminaire est lié à l’électricité consommée (sur la base de fiches PEP Ecopassport). Et ce chiffre est vrai en France où le mix énergétique est plutôt décarboné dû à la prédominance du nucléaire mais il est sûrement en dessous de la réalité dans des pays où le mix électrique est plus lourd en carbone. C’est la cas en Allemagne où en 2022, le facteur d’émission lié à la consommation d’électricité s’élève à 0,434 kg CO2 éq/kWh contre 0,0533 kg CO2 éq/kWh pour la France soit presque 8 fois inférieur (source : Allemagne-Energie et ADEME).

3. Etude de cas : TRC du relamping d’un centre commercial 

Pour commencer, un court rappel sur la notion de TRC que nous avons présentée sur notre site. Le TRC correspond au temps nécessaire pour que les émissions cumulées de Gaz à Effet de Serre (GES) qu’a généré un système sur l’ensemble de son cycle de vie soient dépassées par celles générées par le système déjà en place. Concrètement, il s’agit de calculer le temps de retour sur investissement d’un point de vue carbone d’une opération

Notion de temps de retour carbone associée à un projet de rénovation

Présentation des paramètres

Nous nous plaçons dans le cas d’un remplacement du système d’éclairage de 4 locaux commerciaux. Dans un cadre domestique, on change souvent l’ampoule d’un luminaire uniquement. A contrario il est fréquent de changer le luminaire dans son ensemble dans des commerces comme ici, car les ampoules sont dimensionnées et intégrées à leur support. 
Nous étudions le cas le plus fréquent de relamping, à savoir le remplacement de lampes halogènes, interdites à la vente depuis 2018, par des dalles LED, la technologie la plus installée aujourd’hui. 

Comparaison des deux scénarios 

Avec ces hypothèses, nous traçons l’évolution temporelle de l’impact carbone par m² de bâtiment : 

  • La courbe vert foncé représente le cas où l’on garde les anciens luminaires sans ajouter de matériaux supplémentaires, donc sans ajouter de carbone initial.
  • La courbe vert clair représente le cas où l’on remplace les luminaires, ce qui implique un ajout de matériau en amont de l’exploitation. 
Une image contenant texte, ligne, reçu, Tracé

Description générée automatiquement

A T=0, le projet LED a un impact supérieur au parc existant. C’est dû à l’empreinte carbone de la fabrication des nouveaux luminaires LED.  
A T=2, l’impact carbone de la variante halogène dépasse celui de la variante LED. C’est le temps de retour carbone, date à partir de laquelle le projet LED est moins émetteur que le parc existant. Le rattrapage rapide du projet est dû à l’efficacité énergétique bien supérieure des LED (consommation 4 fois inférieure), ce qui réduit l’électricité dépensée à éclairage égal.
A T=10, en considérant dans nos hypothèses que les luminaires halogènes n’ont pas eu besoin d’être remplacés, l’impact carbone du parc existant d’halogènes est 2.4 fois plus élevé que celui du projet LED. 

On observe donc que l’impact carbone initial du projet de relamping est rapidement amorti et qu’il est est bien inférieur à celui du parc existant au bout de 10 ans. En plus de la dimension carbone, le relamping est une solution abordable et rentable pour les investisseurs : les LED ont une durée de vie plus longue et allègent la facture d’électricité. Il convient toutefois de cultiver le réflexe de modélisation des projets pour s’assurer de leur pertinence sur le volet carbone comme énergétique.
Et si des manques sur les données persistent, elles sont toutefois de plus en plus nombreuses et précises, ce qui bénéficie à tous les acteurs de la chaîne de valeur, dans une optique d’appréhension et de compréhension de la réalité carbone des produits.

Pour aller plus loin sur les luminaires bas carbone

Dans le secteur du bâtiment et en particulier pour l’éclairage, on observe que les réflexions sur les pratiques de réemploi s’accentuent. C’est en effet une solution très intéressante pour réduire efficacement l’impact carbone de ses locaux ou de son logement, et qui se rapproche d’une opération nulle d’un point de vue carbone (sauf transport, stockage et pose).
Cet action qui s’inscrit dans une démarche plus profonde d’économie circulaire est particulièrement pertinente dans le tertiaire où le roulement sur les locaux est élevé. Et la part d’éclairages issus du réemploi augmente en même temps que les compétences sur les procédés de réintégration des luminaires au bâti évolue. Le processus de réemploi est toutefois freiné par l’écosystème réglementaire et de l’assurance qui sont en phase d’adaptation à de nouvelles problématiques associées à l’utilisation de luminaire « d’occasion ».
En définitive, que l’on parle de relamping ou de réemploi, il s’agit de choisir la démarche adaptée en fonction du besoin, et de multiplier si c’est possible, les vecteurs de baisse de l’impact carbone.