Le réemploi en lots techniques : un levier pour la décarbonation du BTP

Préambule : Le réemploi désigne toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus.

La réutilisation désigne toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau. Pour cela ces produits peuvent avoir subi des opérations de reconditionnement, nettoyage ou réparation.

Le terme recyclage est utilisé pour un matériau plus utilisable en l’état et qui est transformé pour créer une  nouvelle matière première. Il implique souvent un processus industriel et s’oppose au deux premiers termes car il est plus énergivore.

1. Complexité du réemploi et spécificités en lots techniques

Dans une démarche de décarbonation et d’économie circulaire, le réemploi et la réutilisation sont largement privilégiés en raison de leur faible consommation énergétique et, par conséquent, de leurs moindres émissions de CO₂.

En effet, le réemploi dans le secteur du BTP, et plus particulièrement dans les lots techniques, constitue un levier majeur pour réduire l’empreinte carbone des projets. À titre d’exemple, en construction neuve, les lots techniques représentent près de 45 % de l’impact carbone d’un bâtiment. En rénovation, cette part peut grimper jusqu’à 70 %, rendant ainsi le réemploi des équipements incontournable pour une approche bas carbone. Cependant, bien que cette pratique se développe, sa mise en œuvre reste encore freinée par plusieurs défis :

  • Complexité logistique et d’approvisionnement : La déconstruction sélective demeure insuffisamment répandue, et les délais de livraison peuvent être allongés en raison d’une offre et d’une demande parfois encore limitées.
  • Garanties de performance des équipements : Le réemploi impose d’assurer la fiabilité des équipements, ce qui peut être complexe, spécifiquement pour les équipements actifs de lots techniques. Du fait qu’ils nécessitent une alimentation en énergie, leur réutilisation implique de vérifier leur compatibilité technique, leur bon fonctionnement après démontage et remontage, ainsi que leur conformité aux normes de sécurité en vigueur. À cet égard, les assurances et bureaux de contrôle peuvent exiger des tests ou des certifications spécifiques pour valider la remise en service de ces équipements.
  • Prix pas toujours incitatif : Dans certains cas, le coût du réemploi peut rester proche de celui du neuf, réduisant ainsi l’intérêt économique de cette démarche.

Pour faciliter votre transition vers ces pratiques, nous vous recommandons de vous rapprocher des initiatives matures du secteur, qui proposent des solutions concrètes et adaptées aux enjeux du réemploi. Des organisations telles que Circolab et le Booster du Réemploi accompagnent les professionnels du bâtiment en mettant à disposition des méthodologies et des ressources spécifiques pour chaque phase du projet.

Vous trouverez l’ensemble des liens utiles en fin d’article.

2. Un levier de décarbonation

Le réemploi offre un double avantage en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre : il évite l’extraction de nouvelles ressources et la fabrication de matériaux, réduisant ainsi significativement l’empreinte carbone des projets. Selon certaines méthodologies de comptabilisation (comme celles du Booster du Réemploi), l’impact carbone du réemploi peut être très faible, voire nul dans certains cas réglementés, comme la réglementation environnementale 2020. Cet avantage peut être mesuré précisément sur Nooco, qui permet d’intégrer le réemploi dans une analyse de cycle de vie des équipements.

Impact environnemental – 1 BAES sur 10 années

Hors consommation d’énergie et d’eau (B6/B7 exclus)

Comparaison de l'impact environnemental sur 10 ans d'un BAES standard, d'un BAES bas carbone et d'un BAES en réemploi, hors consommation d'énergie et d'eau. Le graphique montre une réduction significative de l'empreinte carbone pour les modèles en réemploi modélisés sur Nooco selon la méthodologie Booster du Réemploi.

BAES : Bloc Autonome d’Éclairage de Sécurité


On observe une réduction de l’impact carbone de l’ordre de 90 % entre un BAES (Bloc Autonome d’Éclairage de Sécurité) standard du marché et un BAES en réemploi, selon la méthodologie du Booster du Réemploi.

Avec l’entrée en vigueur des seuils carbone renforcés en 2025 dans la RE2020 , ainsi que l’ambition générale du secteur du bâtiment de réduire son empreinte écologique, le réemploi devient un levier stratégique incontournable (plus d’informations sur la RE2020 ICI)

Certains équipements techniques sont particulièrement adaptés au réemploi, tels que :

  • Les luminaires
  • Les appareils de chauffage
  • Les tableaux électriques
  • Les gaines de ventilation
  • Les équipements sanitaires

Ces équipements peuvent être intégrés dans une approche circulaire de plus en plus plébiscitée par les professionnels du secteur.

3. Des solutions concrètes : des plateformes de réemploi et des initiatives logistiques

Le réemploi des lots techniques rencontre plusieurs obstacles, en particulier au niveau logistique et d’approvisionnement. La dépose, le stockage et le transport des équipements doivent être parfaitement optimisés pour rendre cette solution viable à grande échelle. Plusieurs entreprises du secteur ont ainsi développé des initiatives pour surmonter ces défis.

Ci-dessous quelques exemples d’initiatives non exhaustives.

La plateforme Re-Use Corner d’Equans en est un exemple, elle facilite la gestion et la vente d’équipements réemployés entre chantiers, en agissant comme un marché secondaire qui permet de réutiliser des produits d’un projet à l’autre. Ce modèle existe aussi dans d’autres grands acteurs du secteur, comme Vinci, qui déploie également des plateformes internes pour optimiser la gestion circulaire des équipements techniques et favoriser les échanges entre acheteurs et offreurs. Nous pouvons aussi citer la plateforme Réutil, une plateforme créée par GCC, ouverte à l’utilisation à d’autres ETI comme Léon Grosse, et diverses entreprises de réemploi. Réutil permet d’échanger des équipements et des matériaux en réemploi directement sur les chantiers, facilitant ainsi l’accès au réemploi pour des projets conséquents.

Ces initiatives facilitent l’accès au réemploi, illustré par l’exemple d’un projet où Eiffage Énergie Systèmes a pu réemployer 70 BAES sur 112, en partenariat avec Legrand. Ce projet montre que le réemploi est non seulement réalisable, mais peut aussi être intégré de manière fluide dans des projets complexes. 

Un autre exemple vient de Vinci Energies, qui, par l’intermédiaire de Cegelec Fluides, a réemployé des équipements sanitaires, un ventilateur de désenfumage et des gaines de ventilation pour valoriser un projet. Cette initiative a permis de réduire l’empreinte carbone de 20 tonnes de CO2, soit 17 % de l’impact global du projet, et d’obtenir la labellisation Circolab niveau 3 sur un de leur projet.

4. Des solutions pour une adoption à grande échelle

  • Cadre méthodologique : L’ADEME a développé la note SPIROU, qui fournit des recommandations sur la garantie de performance des équipements réemployés. Cycle-Up propose également un référentiel pour le calcul carbone des équipements reconditionnés.
  • Soutien financier : La loi Anti-Gaspillage encourage la mise en place de fonds dédiés au réemploi et soutient une gestion optimisée des déchets.
  • Plateformes de mise en relation : Des plateformes comme Cyneo facilitent la mise en relation entre entreprises, acheteurs et offreurs de produits réemployés.

Ces accélérateurs, combinées aux efforts logistiques, réglementaires et méthodologiques, permettent de surmonter les obstacles et de rendre le réemploi des lots techniques de plus en plus viable.

Vers une généralisation du réemploi ?

Beaucoup d’encre a déjà coulé sur le sujet du réemploi dans les lots techniques, et il est aujourd’hui évident que les principaux enjeux sont adressés. La réglementation s’affine, les outils méthodologiques sont en place, et plusieurs grandes entreprises ont déjà montré la voie avec des initiatives concrètes. À présent, il reste à amplifier ces démarches et à encourager l’adoption à grande échelle. Le réemploi n’est plus une option, mais un levier essentiel pour répondre aux exigences environnementales et réglementaires du secteur.

Voici plusieurs ressources pour aller plus loin dans la mise en place du réemploi dans vos projets de construction et de rénovation :


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