La pompe à chaleur, équipement bas carbone miracle : le vrai du faux en 6 points

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Un rendement canon…

L’intérêt premier de la pompe à chaleur (PAC), c’est son efficacité. Grâce aux cycles de compression et détente du fluide entre la source chaude (l’intérieur du logement à 21°C) et la source froide (l’air extérieur entre -10°C et 15°C), il est possible de capter les calories « gratuites » de l’air ou du sol, tout en utilisant une faible quantité d’énergie pour faire circuler le fluide.

En fonctionnement optimal, c’est-à-dire avec une température d’eau de sortie à 35°C pour une PAC air-eau, la performance annuelle de la PAC (son SCOP) peut dépasser 5 pour les modèles les plus performants : cela signifie que la PAC fournit 5kWh de calories en consommant 1kWh d’électricité pour faire circuler le fluide. La même quantité de chaleur fournie par des radiateurs électriques consommerait 5 kWh d’électricité – le rendement étant de 1 pour l’effet joule.

La PAC permet clairement de réduire sa consommation d’énergie finale pour le chauffage, que ce soit en remplacement de radiateurs électriques ou de chaudière bois/gaz/fioul, avec un rendement entre 0.8 et 1.

… Mais un rendement variable

La PAC est cependant un équipement paradoxal : son efficacité diminue lorsque l’écart de températures entre la source chaude et la source froide augmente. Dit autrement, plus il fait froid dehors, moins la PAC est performante, alors qu’on en a le plus besoin, à tel point qu’il devient préférable à une certaine température d’utiliser une énergie d’appoint pour éviter de solliciter la PAC.

C’est aussi pour cette raison que les normes imposent aux fabricants de fournir des valeurs de SCOP pour 3 zones climatiques différentes :

·       Chaude : Athènes
·       Tempéré : Strasbourg
·       Froide : Helsinki

Pour une même PAC du marché, le SCOP peut-être à 6.20, 5.07 ou 4, selon la zone. Ainsi, plus la zone climatique est froide, moins la PAC est intéressante pour réaliser des économies d’énergie. Extrait d’une fiche technique d’une PAC(1)

Et des qualités contre-productives

Un autre avantage de la PAC, c’est son potentiel de réversibilité : quand la température extérieure dépasse la température intérieure, il peut être possible d’inverser le cycle pour extraire les calories de l’air intérieur.
Si on introduit un appareil actif en été, pour apporter du confort à des foyers qui n’en utilisaient pas forcément auparavant, on va générer des consommations électriques supplémentaires, en particulier lors des vagues de chaleur quand le réseau est très sensible !
Les PAC réversibles ne sont d’ailleurs plus subventionnées depuis 2018 pour cette raison.

La PAC est souvent citée comme un appareil miracle de la transition énergétique, et bénéficie d’ailleurs d’incitations fiscales importantes, tant qu’elle n’est pas utilisable également pour refroidir en été.

Le terme « d’équipement bas carbone » peut prêter à confusion. En effet, si on regarde une PAC ; c’est un appareil lourd, de plus en plus complexe, dont la fabrication, l’entretien et la maintenance ont un impact non négligeable, et qui fonctionne avec du fluide frigorigène. Il s’agit d’avoir un référentiel de comparaison.

Si l’on prend, par exemple, la pose d’une PAC air/eau et d’une chaudière sur 50 ans, sans considérer la part des consommations d’énergie, on obtient le graphique suivant.

Comparer sur la base seule de l’impact environnemental de l’équipement sans modélisation des consommations énergétiques ne permet pas de rendre compte de la pertinence ou non du système PAC.

Il s’agit en réalité de réaliser une Analyse du Cycle de Vie (ACV) complète, et de regarder si les économies d’énergies générées permettent effectivement l’amortissement du poids carbone d’entrée, assez lourd, de l’équipement PAC, par rapport à l’existant.

Comme pour un réfrigérateur, la PAC compresse et détend un fluide lors de cycles de fonctionnement successifs. Le fluide utilisé est généralement un fluide dit « frigorigène », qui a une forte capacité à emmagasiner de la chaleur grâce aux propriétés des liaisons chimiques moléculaires (le dioxyde de carbone – CO2 – et la vapeur d’eau – H2O – pouvant aussi servir de fluide frigorigène…).  

Les fluides les plus « performants » pour cet usage sont des gaz industriels, dits « hydrocarbures halogénés » : HFC, HCFC, BFC…, et le fameux CFC (devenu célèbre pour sa capacité à détruire la couche d’ozone avec son atome de chlore), ce dernier étant interdit depuis 1987.

Plus un fluide est performant, plus son potentiel de réchauffement climatique augmente, et dans des proportions importantes ! La base INIES fournit les facteurs d’émission équivalent CO2 pour les fluides codifiés les plus courants :

Ainsi, un seul petit kg de fluide R410A perdu dans la nature contribue à hauteur de 2 tonnes de CO2 !
Ces fluides évoluant en cycles fermés dans la pompe à chaleur, ils ne sont pas censés se retrouver dans l’air. Cependant, l’étanchéité n’est jamais parfaite et en pratique on va compter l’intégralité de l’impact du fluide au moment de sa fuite. Le volume de fluide opéré lors de la charge et du retrait n’est donc pas pris en compte lors de ces opérations.
Il est considéré les règles spécifiques(5) suivantes pour l’estimation de l’impact du fluide pour une PAC :

· 2% de fuites lors de sa fabrication (module A3 de la donnée),
· 2% de fuites par an durant sa vie en œuvre, avec un valeur seuil de re-remplissage à 90% de la charge initiale en fluide (module B1/B2 de la donnée),
· 10% de fuites au moment de la fin de vie (module C4 de la donnée).  

Si l’on regarde les valeurs pour l’indicateur carbone sur la durée de vie de notre PAC, hors énergie consommée sur 17 ans, on a la répartition suivante :

En premier lieu, on observe la prépondérance de la phase entretien et maintenance (exploitation), c’est à dire les modules B1 et B2, avec une valeur de 8 908,85 kg éq. CO2 (3 130,73 + 5 778,12) ; pour un impact total de 14 818,74 kg éq. CO2.

Ces modules représentent respectivement les impacts directs et indirects du fluide frigorigène sur la phase d’exploitation, c’est à dire les fuites. Cela signifie que même sans tenir compte de la production / fin de vie du fluide, le fluide représente sur la durée de vie de la PAC 60% de son impact carbone* pour la donnée par défaut.
*Pour être tout à fait précis, il manque dans ce calcul la fuite occasionnée par la charge initiale et le retrait de fin de vie dont la donnée est difficilement récupérable. En collant à la règle des 2% et 10% de l’impact total du fluide chargé et retiré, et en supposant que le système est chargé à 100% en fin de vie, cela signifierait un impact de l’ordre de 66%.

Il s’agit d’un résultat encore plus accentué dans un calcul dynamique RE2020, avec le recours à des coefficients de pondération spécifiques pour les fluides frigorigènes. Le graphe ci-dessous montre les évolutions respectives de ces coefficients :

Dans notre exemple, la PAC fonctionne avec du R410A, fluide le plus impactant avec 2 130 kg éq. CO2/kg de fluide. Le R32 en revanche émet 700 kg éq. CO2/kg de fluide, soit 3 fois moins ; il est possible de réduire considérablement l’impact d’une PAC simplement en agissant sur le fluide utilisé.

Si on regarde la PAC Alfea Extensa A.I.5 du groupe Atlantic(6) par exemple, pour la même puissance mais avec le fluide R32, la répartition des impacts sur la durée de vie de l’équipement est la suivante :

On donc les modules B1 et B2 qui représentent 808,91 kg éq. CO2, pour un total équipement (hors énergie) de 2 007,79 kg éq. CO2, soit 40% de l’impact, et 11 fois moins que pour la DED.

Attention, ces ordres de grandeur sont à relativiser si l’on prend en compte la consommation de la PAC. On rappelle ici que la consommation ne se regarde qu’à l’échelle d’un système et non d’un équipement. En effet un même équipement peut par exemple être installé en usage et en backup et de ce fait avoir une consommation quasi-nulle pour l’un et très importante pour l’autre. C’est bien la somme qui aura un sens.


Comme précisé avant, même si l’équipement PAC seul a un poids carbone important, cette seule information ne suffit pas à la discréditer d’un point de vue environnemental. Il faut en effet prendre en considération l’impact de l’énergie consommée pour la comparer à d’autres systèmes.

Pour notre analyse, nous nous somme placés dans le cas le plus courant et qui est l’objet d’incitation fiscale, à savoir le remplacement d’une chaudière gaz ancienne par un système PAC neuf. Pour tirer le meilleur parti de la PAC, nous considérons un remplacement complet des terminaux avec des radiateurs permettant de faire fonctionner la PAC à basse température, là où son rendement est le meilleur.

Nous avons donc comparé un système complet [PAC + réseaux + terminaux + consommation électrique] à un simple remplacement de chaudière [chaudière gaz + consommation gaz], (les terminaux existants étant considérés toujours fonctionnels), dans notre pavillon de 100 m²,situé à Colmar, toujours en utilisant des DED.

En considérant un besoin de 14 000kWh pour le chauffage, dont 2 000 kWh pour ECS, nous avons donc comparé les systèmes sur une durée de 50 ans :

Cette modélisation nous permet d’obtenir l’ACV suivante pour la variante PAC, cette fois-ci avec le module B6 (énergie consommée) calculé en face du système équipement. Et en synthèse un écart rapidement significatif entre système chaudière gaz et PAC !

Avec une analyse comparée sur les 10 premières années dans Nooco, on constate que le système PAC est rentabilisé pour le CO2 en seulement 3 ans et demi.

Cette modélisation confirme que la part de l’énergie est non-négligeable. Néanmoins et contrairement à des idées préconçues que l’on entend souvent, la part de l’énergie est nettement en-deçà de celle du fluide une fois le choix de la PAC fait (donc de l’énergie électrique).

Notre pavillon se trouvant à Colmar, donc pas très loin de l’Allemagne, on s’est demandé ce que ça donnerait si on traversait le Rhin pour installer la même PAC, dans des conditions climatiques identiques.

En France, le facteur d’émission d’électricité final parmi les meilleurs en Europe, avec 79 g éq. CO2/kWh consommé.

Ce facteur est une moyenne pondérée des impacts de toutes les sources de production électrique sur une année : environ 12 g éq. CO2 pour le nucléaire, 45 g éq. CO2pour photovoltaïque, 490 g éq. CO2 pour le gaz…, ainsi que la part des importations.

A l’heure où cet article a été écrit, on pouvait voir sur le site Electricitymaps que lefacteur d’émission du kWh électrique consommé en Allemagne est bien supérieur avec329 g éq. CO2/kWh consommé. En effet, malgré une forte capacité enénergies renouvelables, la part importante du charbon (facteur d’émission de820 g éq. CO2/kWh consommé) dans le mix électrique pèse lourdementsur le facteur d’émission moyen germanique.

Ainsi, par un rapide calcul qui multiplie l’impact de la consommation électrique du système PAC par 4,16 (FE Allemagne/ FE France = 329g éq. CO2 / 79g éq. CO2 = 4,16), on passe d’un poids carbone français de 595 kg éq. CO2 à un allemand de1053 kg éq. CO2/m², soit pas tellement moins que la chaudière gaz remplacée…

Toujours avec le même calcul simplifié, on pousse le raisonnement pour la Pologne, qui émet 561 g éq. CO2/kWh électrique consommé : on atteindrait 1479 kg éq. CO2/m², soit bien au-dessus de notre chaudière gaz !

On comprend à travers ces exemples que la pertinence d’une PAC pour faire baisser l’impact carbone (dans une même zone climatique) est directement liée à la répartition du mix électrique du pays où elle est installée.

En France, en Suisse et en Scandinavie, elle a clairement du sens, mais ailleurs en Europe, il faut être vigilant au mix électrique du pays.

Cependant, en cette période de raréfaction du gaz comme source d’énergie de chauffage, le poids carbone n’est pas le seul indicateur à prendre en compte. Contribuer à réduire la consommation d’énergies fossiles grâce à des appareils électriques a tout son sens, du moment que le parc de production d’électricité n’est pas lui-même alimenté en gaz et charbon…

Dans un souci de simplification, nous avons basé notre analyse sur une DED de PAC air-eau disponible sur INIES. Elle est supposée être représentative des PAC du marché, mais intègre des coefficients de sécurité visant à la rendre majorante, afin d’inciter les fabricants à proposer des produits encore moins impactant.

Plusieurs leviers existent pour réduire l’impact environnemental d’une PAC, entre autres :

·       Utiliser un fluide frigorigène moins impactant,
·       Réduire la masse de l’équipement,
·       Utiliser des métaux issus du recyclage (Cf article Nooco sur la gaine de ventilation acier)

Un certain nombre de fabricants a joué le jeu, et de plus en plus de produits disposent d’un Profil Environnemental Produit (PEP),qui estime l’impact environnemental sur 27 indicateurs, et vérifié par un tiers extérieur.

Un PEP correspond à un Profil Environnemental Produit, fiche individuelle ou collective réalisée par un fabricant ou un syndicat et contenant des données environnementales sur un équipement ou un type d’équipement.

Sur Nooco, pour chaque équipement, on peut consulter l’ensemble des produits certifiés (disposant d’un PEP) afin de situer chaque produit par rapport aux données majorantes (hors consommation électrique).

Pour la PAC, on trouve le graphe suivant avec l’indicateur de contribution au réchauffement climatique en ordonnée et la puissance en kW en abscisse.

Chaque point représente une fiche de la base de données Inies. Les points bleu foncé correspondent aux données par défaut (DED), avec leurs coefficients de sécurité. Les points verts représentent des produits réels du marché (PEP)

On voit immédiatement que les écarts d’impact sont significatifs : -50% environ pour la moyenne des PAC autour de 5,5 kW, et jusqu’à -75% pour les produits les plus performants !

Ainsi, en sélectionnant la PAC de 11kW, d’impact le plus bas, qui dispose d’un SCOP de 4,5 à 35°C, on réduit l’impact de notre projet type de 595 à 260 kg éq. CO2/m² (en sélectionnant également les meilleures PEP pour les autres composants).

Avec les meilleurs PEP, le système PAC permet même une réduction des émissions de CO2 en Pologne, par rapport à un système à gaz, mais la comparaison reste serrée.

Dans ces conditions, notre vrai/faux mérite quelques nuances:

(1) GAMME AQUAREA ALL IN ONE HAUTE PERFORMANCE R32 GENERATION J, KIT-ADC03JE5,

https://frigrowebshops.blob.core.windows.net/frigrowebshopportal-documents/panasonic-aquarea-all-in-one-high-performance-serie_j_fr.pdf‍

(2Une Donnée Environnementale par Défaut correspond à une donnée générique établie par l’Etat qui prends en compte des coefficients de sécurité. Elle ne représente pas un produit spécifique, mais une borne haute pénalisante de l’impact pour l’équipement étudié.

(3) Ic correspond à l’indicateur d’impact sur le changement climatique, mesuré en kg éq. CO2 et obtenu par la méthode de calcul ACV dynamique. Dynamique, par opposition à statique, fait référence à une méthode de calcul de l’ACV, où les émissions de gaz à effet de serre sont pondérées en fonction de leur année d’émission, afin de mieux tenir compte des effets du temps sur l’impact.

(4) 50 ans correspondent à la durée de vie d’un bâtiment fixée par la RE2020, période de référence pour une étude ACV d’un bâtiment.

(5) PSR –Règles spécifiques aux générateurs thermodynamiques à compression électriqueassurant le chauffage et/ou le refroidissement des locaux et/ou la productiond’eau chaude sanitaire: http://www.pep-ecopassport.org/fileadmin/user_upload/PSR-0013-ed2.0-FR-2019_12_06_.pdf

(6) ALFEA EXTENSA A.I.5 R32 (v.1.1) (id Inies : 30787)pour une puissance de 10kW